À peine un an après avoir démontré l’efficacité et la fiabilité en vol de son prototype de drone à aile soufflée par rotor, la filiale Sikorsky du groupe Lockheed Martin vient de franchir une nouvelle étape majeure dans le domaine des systèmes aériens sans pilote (UAS). L’entreprise américaine présente désormais Nomad™, une famille complète de drones à décollage et atterrissage vertical (VTOL) capables de conjuguer la polyvalence d’un hélicoptère avec la vitesse et l’endurance d’un avion.
Ce concept s’inscrit dans la logique de modernisation accélérée des moyens aériens autonomes destinés aussi bien aux forces armées qu’aux services civils. En clair, Nomad veut être le chaînon manquant entre le drone tactique et le vecteur aérien stratégique, capable d’opérer sans infrastructure lourde, sur terre comme en mer.
Une architecture hybride entre hélicoptère et avion
Le Nomad repose sur un design bimoteur à double rotor basculant, un principe déjà expérimenté sur des appareils comme le V-22 Osprey, mais ici adapté à une gamme de drones autonomes de différentes tailles. Grâce à ce système, l’aéronef peut décoller verticalement, stationner en vol, puis passer en mode avion pour voler sur de longues distances. Cette capacité dite « runway independent » (indépendante de piste) ouvre la voie à des déploiements sur zones isolées, navires ou terrains sommaires.
La motorisation repose principalement sur une propulsion hybride-électrique, garantissant une faible consommation et une meilleure endurance. Les variantes plus grandes, quant à elles, opteront pour une motorisation classique afin de maximiser la charge utile et la puissance disponible.
Une famille de drones modulaires et évolutifs
« Nous parlons de famille pour souligner la capacité de ce design à être décliné en plusieurs tailles, du petit drone de type Group 3 jusqu’à un appareil équivalant en envergure à un hélicoptère Black Hawk », explique Rich Benton, vice-président et directeur général de Sikorsky. En pratique, cela signifie que le même concept technologique pourra servir à des missions très variées : reconnaissance, transport léger, appui-feu, logistique en environnement contesté, voire opérations navales.
Les modèles Nomad couvrent ainsi plusieurs catégories du classement américain des UAS :
• Groupe 3 : drones de 25 à 600 kg, à l’image du Nomad 100 en cours de construction (18 pieds d’envergure).
• Groupes 4 et 5 : drones lourds dépassant les 600 kg, capables d’emporter capteurs, armements légers ou charges logistiques importantes.
Le prototype Nomad 50 (3,1 mètres d’envergure) a déjà effectué ses vols d’essai avec succès au printemps 2025. L’entreprise prépare désormais le premier vol du Nomad 100 dans les prochains mois, un jalon important pour la mise en production.

L’autonomie au cœur du système : MATRIX™
Les appareils Nomad reposent sur la technologie MATRIX™, développée conjointement par Sikorsky Innovations et la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency). MATRIX est une architecture logicielle ouverte permettant d’intégrer facilement l’autonomie à n’importe quel aéronef, qu’il soit à voilure tournante ou fixe. Déjà testée dans des domaines comme la lutte contre les incendies, le ravitaillement logistique ou la mobilité aérienne avancée, cette technologie permet à un drone de planifier, exécuter et adapter sa mission en temps réel sans intervention humaine constante.
Dan Shidler, directeur des programmes avancés chez Sikorsky, résume l’ambition du projet :
« Nomad représente une nouvelle génération de drones autonomes longue endurance. Nous adoptons une approche rapide et itérative, en créant une famille de plateformes capables de décoller et d’atterrir presque partout, de manière entièrement autonome, et à la disposition des soldats, marins, aviateurs et marines américains. »
Un outil stratégique pour les armées modernes
L’US Department of Defense pousse depuis plusieurs années pour disposer de drones modulaires et interopérables, capables de soutenir les forces conventionnelles tout en limitant les risques humains. Dans cette logique, le programme Nomad s’intègre pleinement à la stratégie américaine dite de Collaborative Combat Aircraft (CCA), où des drones autonomes accompagnent les avions pilotés pour partager les missions de renseignement, de frappe ou de brouillage.
Avec Nomad, Lockheed Martin entend aussi répondre à des besoins civils et gouvernementaux : surveillance des forêts, secours en mer, observation côtière, cartographie ou transport de fret léger. La promesse est simple : un drone fiable, endurant, et surtout, indépendant de toute infrastructure aéronautique.
Une réponse aux défis du Pacifique
Enfin, l’entreprise met clairement en avant la dimension stratégique du projet pour le théâtre indo-pacifique. Selon Rich Benton, les Nomad seront de véritables multiplicateurs de force :
« Ils compléteront les missions d’appareils comme le Black Hawk, permettant aux forces américaines et alliées de conserver l’avantage opérationnel dans des régions où les distances sont immenses et les pistes rares. »
En clair, Nomad n’est pas qu’un drone de plus : c’est un concept modulaire pensé pour une nouvelle ère de guerre distribuée, où la mobilité, l’autonomie et la persistance feront la différence.








